L’Affrontement
L’odeur de viande indistincte grillant sur un feu de pierres noires, sortie Zargol d’un profond sommeil vaseux. Lui revint en mémoire, l’endroit et la soirée financièrement intéressante, lorsqu’il se redressa sur le lit.
En un bâillement, la douleur a la mâchoire finie par le réveiller complètement. Lui faisant tourner la tête vers le lit voisin qui était vide.
Comme d’habitude, Darhn ne restait jamais longtemps en place. Silencieux, malgré sa très impressionnante stature, Darhn pouvait disparaître en un instant ou surgir aussi vite que la mort. Et s’il surgit devant vous, la mort vient très vite frapper à votre porte. Certains essaieraient, tant bien que mal, de vous dire qu’elle frappe très, très fort et surtout vite… Très vite…
En y repensant, il était soufflé par l’aptitude qu’avait Darhn à manipuler les autres. Il semblait toujours, avoir un coup d’avance sur vous.
L’Auberge du Trou Perdu, bien qu’au centre d’un grand Rien dangereux, disposait d’un confort non négligeable. Polpol mal monté et sa volumineuse Gruth, avaient rendu cet endroit presque accueillant. Zargol en profita et prit un bain, dans une eau douteuse, mais chaude. Dans le monde de désespoir et de destruction laissé comme cadeau par ceux d’avant, l’eau était devenue une denrée rare. Pataugeant dans son bouillon, il sourit en repensant à son destin, depuis sa rencontre avec Darhn. Il avait obtenu un statut et moult privilèges, d’une qualité exceptionnelle au milieu cet enfer. Mieux que sa vie d’avant.
Ses rêveries et son bain prirent fin brutalement, quand la tête Rocambolesque de Polpol apparue sur le pas de la chambre et demanda, d’une voix difficile à entendre au sortir du lit :
« Bien dormi M’sieur Zargol ? On vous a laissé dormir, mais y a d’autres voyageurs impatients de vous entendre. Le repas est prêt, dépêcher vous. Y a bien longtemps que je n’avais pas vu de conteur, comme vous…allez… «
La porte se referma sur le brouhaha de la salle, et l’horrible faciès de Polpol. Zargol remis sa tunique en cuir, réajusta sa bourse allégée de moitié par son Géant d’ami.
La pression se fit sentir, dès qu’il passa la porte de la chambre.
La configuration des lieux avaient changés par l’intermédiaire de Gruth et de son compagnon mal monté, décidément je ne mis ferais jamais, pensa Zargol. Ils avaient transformé L’Auberge du Trou Perdu en théâtre tragi-comique dont il était l’attraction principale.
La « scène » installée en face d’un demi-cercle de chaises, était pourvue d’un vieux fauteuil rembourré et d’une table où l’attendait un gros cuisseau d’une bestiole mangeable et une pinte bien remplie.
Il finit par faire son entrée, sous les murmures d’excitation et d’impatience du groupe de Bouzgnards, un peu plus important que dans la soirée.
Le spectacle pouvait commencer. Zargol pris place, bu une gorgée de bier’, s’éclaircit la voix, détailla son auditoire.
Les Darons du lieu attendaient, le public attendait. Tous trépignant d’envie, d’entendre la suite de la fameuse et fabuleuse rencontre entre les deux Survivants légendaires.
Aux nouveaux arrivants avaient été donnés un bref, mais alléchant résumé. Assez pour que Zargol puisse entrevoir leurs fondement à travers leurs bouches béate d’impatience. Tous étaient acquis, buvant ses paroles, Zargol commença :
» Bon, alors… Humm, oui. Ce jour là, je sortais d’une longue convalescence, suite à une ancienne vie, mal choisie… J’entendis parler du départ précipiter de Darhn et donc je parti vers la cité Yon, sur les traces de mon sauveur, afin de débuter ma nouvelle carrière.
Suivre un Géant, craint de beaucoup, terrassant tout sur son passage était chose facile. Et la rumeur disait que Darhn recherchait après Gurl l’Imbattable …
A l’entrée de Yon, un grade blafard et tout tremblant, bégaya par chance, que le Géant était arrivé en ville depuis peu.
Je suivi le chemin indiqué par le garde vers le quartier des Armes.
Après avoir traversé une foule aussi bigarrée qu’étranges, j’arrivais au cantonnement des mercenaires. La voix puissante du Géant Darhn résonna contre les murs de l’édifice, me confirmant sa présence et celle de son adversaire.
« Ainsi, c’est toi Gurl, Gurl l’Imbattable ? »
Cassant immédiatement, par la même occasion, musique et rires. La peur surpris les mercenaires, en plein moment de relatif répit. Chez certains, la peur a une odeur incommodante. Face à l’événement auquel, ils allaient assister et moi avec, qui venait d’arriver en haut des escaliers du hall, l’odeur de la peur envahie le hall.
Entendant son nom, le centre d’attention des mercenaires bariolés, stoppa net son rire grinçant. L’Hom leva les yeux au sourcil unique, cherchant l’endroit d’où venait la voix. Il descendit de son trône de bois.
Il était petit. Sa taille ne dépassait pas, celle d’un Gro’dog. Sa tête arrivait au niveau de la ceinture de Darhn, qui venait de sauter dans la fosse, à quelques pas, face a lui. Sa petitesse était compensée par la tonne de muscles qui lui servait de corps. Petit mais costaud. Le choc des deux regards ténébreux, plongeant l’un dans l’autre, fit reculer la troupe, plus ou moins aguerrie de mercenaires «
Zargol, fini de mâcher un bout de viande. En face de lui, Polpol vibrait sur sa chaise. La drôle de tête légèrement masqué par l’atmosphère enfumée, rendait la scène encore plus cauchemardesque. Il dégluti quelques mots, maltraités par l’émotion créée par Zargol :
« Z’etes fort pour nous tenir en haleine, hein, vous autres ? «
N’attendant pas les fin des « oui, oui » collectifs, Zargol repris :
« Je venais de me faufiler au premier rang des mercenaires et reçu en pleine face, l’immense tension qui se jouait au centre de l’arène et l’odeur nauséeuse.
Je savais de quoi était capable Darhn, sa dextérité, sa puissance, sa rapidité… »
Zargol massa légèrement sa mâchoire…
« J’avais entendu quelques histoires sur Gurl l’Imbattable, puisqu’il s’agissait de lui, bien moins héroïques que le Géant. Mais voir ce tas de muscles sur pattes se planter devant Darhn, sans la moindre peur… Pas une once de peur… Un grand moment, mes amis, un grand moment…
Le petit Hom, tout-en-muscles était vêtu d’une espèce de costume noir, que j’avais déjà vu sur une fresque des anciens, qui lui moulait le corps sans se déchirer, par je ne sais quel magie.
Une barre de poils, lui servait de sourcil au dessus d’un regard sombre directement braquer sur Darhn. Manquait la paire de lunettes noires, pour compléter le tableau de la fresque. Le torse et les bras sur dimensionnés, reposaient sur deux jambes sèches et nerveuses. Les deux petites lames ceintes à sa ceinture trop large, représentaient un possible danger.
Gurl semblait sur de lui, il observait son adversaire de très grande taille. Les mains négligemment enfoncées dans sa ceinture, Gurl commença à tourner autour de son adversaire. La danse nuptiale, n’avait pour d’autre but, que d’observer les possibles failles du Géant.
Il souriait, d’un sourire de piano. Sa voix n’égalant pas, en puissance celle de Darhn, fit quand même trembler, les moins courageux de l’assistance :
« Darhn, le grand Darhn. Tu fais beaucoup parler de toi. Je ne sais pas qui colporte tes « soi-disant aventures » Mais il est doué le Mek… Et les Marais trop glauques… Et sa hache Kunégonde… Blabla, tout ça… Boulshit à la con… «
Un « Ouuuhh » de l’ensemble des Survivants à L’Auberge du Trou Perdu, traça un sourire sur la bouche de Zargol. Il se fit resservir une pinte, éructa et regardant l’ensemble de Bouzgnards dit doucement, sur le ton de la confidence :
« Je ne connaissais, à l’époque, Darhn que depuis peu. Mais une chose était sûre, il était d’un calme impressionnant dans toutes situations, comme si le monde hostile, n’était qu’un grand terrain de jeu pour lui.
Le connaissant mieux maintenant. Je sais qu’il est très confiant en sa capacité à manier Géraldine, sa hache. Faisant corps avec elle. Un jour, il faudra que je vous raconte Géraldine. Malgré sa très impressionnante stature, il est doté d’une vitesse d’exécution presque mystique. Et je vous prie de me croire, mon cher Polpol, et braves gens, qu’une rencontre avec Darhn laisse plus ou moins des marques indélébiles. Mais, je m’éparpille … Bon alors :
« Darhn regardait le petit Gurl exécuter son show sous les regards angoissés de la foule de mercenaires. Mise à part, le mouvement latéral du cigare de Canah, son visage buriné et barbu ne trahissait aucunes émotions. Mais ses yeux noirs de jais suivaient attentivement le manège du petit Hom.
Devant autant de dédain, Gurl l’Imbattable continua ses cercles autour de Darhn, claironnant à qui voulait bien l’entendre :
« Alors comme ça, tu me cherche, bin tu m’as trouvé… Et on fait quoi maintenant ? «
Étrangement, Darhn n’utilisa pas toute la force de sa voix à glacer le sang, mais murmura quelque chose que même Gurl, pourtant à quelques mètres, n’avait pas pu comprendre :
« Humm, M….n…ies «
Le bonhomme en noir moulant, paradant autour du Géant, fronça le sourcil-moustache et, tendant l’oreille, demanda :
« Qu’est-ce qui dit le gros balouuuuuu… Aieeeee «
Ni moi, ni personnes, dans le bâtiment des mercenaires, n’avait vu où compris, ce qu’il s’était passé. En un mouvement imperceptible, Darhn avait attrapé les deux oreilles de Gurl, et le soulevait au niveau de son visage. Stoppant net la comique parade de Gurl l’Imbattable. Il prononça un peu plus fort :
« Humm, … Maintenant tu arrête tes conneries «
Gesticulant comme une Mouchamerde, prisonnier de la toile d’une énorme Arach, Gurl hurlait. Les insultes déversées par sa bouche édentée se noyaient dans les gémissements de douleurs :
« Arg, ‘culé, Aieuu, lâche moi, p’ tain de Bouz… Argggg… «
Toujours tenu à bout de bras, s’en le moindre effort, par Darhn. Il tenta d’insérer l’une de ses petites lames dans l’avant-bras du Géant. S’il n’avait pas sous estimer son adversaire, le combat aurait été complètement différent. D’un geste bien rodé, Darhn le catapulta à l’autre bout de l’arène. Gurl vient s’écraser, dans un grand fracas, sur le trône de bois.
Les « Vivat » et autres « Aouh, Aouha » scandés par les mercenaires, changèrent de camps instantanément. Ce qui est fréquent dans un monde brutal.
Darhn, n’avait pas bougé. Il rallumait son cigare. Le nuage euphorisant s’éparpilla, lorsqu’il évita le dossier du trône, lancé par un Gurl furibond. Le petit Hom, rouge de rage, se précipita sur le Géant. Fines lames en avant. Sa course fut arrêtée brusquement par la grosse Rango, qui l’atteint au visage. Reculant de honte et de douleur, le nez en sang. Gurl repris sa ronde autour de notre Héro… «
Polpol s’imaginait toute la scène, les mots qu’il entendait, étaient pleins de rêves et d’aventures, qu’il ne vivrait jamais. Zargol souri et continua son récit :
« Donc, Gurl regardait le Géant et l’on pouvait lire sur son visage tuméfié, un semblant de peur. Il avait mal jugé l’imposante silhouette, qui n’avait pas bougé d’un iota. La légende serait-elle vrai ? Darhn, le Géant existerait vraiment ? Tout ce qui est dit, c’est produit ?
Gurl était plus malin que puissant, malgré ses muscles difformes. Il avait toujours réussi à surprendre ses adversaires. Mais là, c’était une autre paire de manches.
Faisant mine d’essuyer le sang, qui coulait de son gros nez, il tenta d’un geste du pied, un jet de sable au visage de Darhn. Qui non seulement rata sa cible, mais lui révéla trop tard, le puissant poing ganté fonçant droit sur lui. Le choc fut si violent, que Gurl recula de plusieurs mètres, complètement sonné. Les cris des mercenaires avaient attirés tout un tas de gus, scandant en cœur d’abrutis :
« Darhn, Darhn… DARHN …»
…
« Darhn, Darhn… DARHN… » Criait l’intégralité des Bouzgnards de l’Auberge Du Trou Perdu. Zargol ramassait les Rondelles au fur et à mesure qu’elles étaient jetées devant lui. La bourse devenait de plus en plus lourde. Darhn avait raison, toujours raison…Les Bouzgnards, crédules jusqu’à la bêtise… M’enfin, pensa t’il. Il était repu, lavé, enrichi. Il ne lui restait plus qu’a finir son récit, ramasser son sac réapprovisionné et quitter cet horrible endroit. Et surtout ne plus avoir cette panoplie de tronches dysmorphiques en face de lui.
…
« Gurl énervé par ce revirement de situation, recula hors de portée du Géant. Il balayait l’arène de ses yeux apeurés, à la recherche d’une échappatoire ou d’un coup de bol gigantesque. Darhn, dans un nuage de fumée, avança vers lui d’un pas décidé. Gurl recula encore un peu, encore un peu. Brusquement il s’élança à toute vitesse sur la gauche du gros lourdaud. L’une de ses petites lames brillait dans sa main. Il tournait de plus en plus vite autour de Darhn, porté par ses jambes étrangement rapides, au vue des muscles supportés.
En pleine course et d’un geste rapide, la lame fila sur sa cible. Elle effleura la joue du Géant et trancha net l’une des mèches de sa coiffure dreadée.
La salle de l’Auberge, ainsi que le grand hall du cantonnement des mercenaires poussèrent un « OHHHH …» Attendant la réaction de Darhn. Sans quitter le nabot des yeux, il passa un doigt ganté sur l’écorchure, essuyant le sang.
Gurl tournait, tournait à un rythme effréné, il savourait sa petite victoire. Courte, fut sa victoire, lorsqu’il s’encastra de toute la vitesse de son corps contre le torse musculeux de Darhn. Profitant de l’inattention de Gurl, celui-ci s’était déplacé sur la trajectoire du guignol en collant noir. Le mur y’umain, qu’était le Géant, transforma le sourire piano de Gurl, en sourire d’Irradiés, sombre et ridicule.
Gurl avachi aux pieds gigantesques de Darhn, pleurait, a pleine…à vide bouche…
Sans un regard, Darhn ralluma son cigare, grimpa hors de la fosse. La foule s’écartait devant lui, le laissant monter l’escalier qui le menait au panthéon des héros. Ainsi, naissent les héros…
Au sortir du bâtiment, les pleurs de Gurl furent submergés par de multiples railleries et insultes. Ainsi, meurt les héros.
…
Zargol respira un grand coup. Il regarda la silencieuse assemblée, réunie à l’Auberge Du Trou Perdu. Polpol ressemblait à une statue de pierre noire, raté par son créateur,. Gruth retenait assez d’air, pour gonfler un ballon aérien. Les Bouzgnards plantés comme une forêt d’Zombie, bougeaient a peine. Pour redonner vie a l’ensemble de la salle, Zargol sorti un objet de sa veste et le jeta sur la table. La mèche d’une Dreadlocks fit basculer en arrière, la vieille bâtisse et ses occupants.
Zargol arborait un magnifique sourire. Il se leva, pris son sac rempli gracieusement par les propriétaires et se dirigea d’un pas décidé vers la sortie. La porte sur Les Plaines du Grand Chut s’ouvrait à lui. Un dernier regard sur la foule de Bouzgnards massés autour de l’Artéfact capillaire. Il tourna les talons et s’enfonça dans la brume.
Quelques Brasses plus loin, dans une purée de pois plus épaisse que l’entrecuisse d’une gourgandine négligée, il sursauta au son de la voix si connue et si crainte :
« Alors, combien ? »
Darhn était derrière lui. Zargol aurait du s’y attendre mais il se faisait avoir a chaque fois.
« Tu fais chier Darhn, depuis l’temps, tu devrais savoir que je chie dans mon froc. »
Une lourde main se posa sur son épaule, qu’elle serra d’un geste amical et la grosse voix rétorqua :
« Zargol, tu devrais savoir que j’adore ca… Bon alors, combien ? »
« Ok, ok, Deux cent Rondelles, chacun… »
« Tu vois, je te l’avais dit, les Bouzgnards sont des cons. Une belle histoire, avec quelques baffes dans la gueule et voila. Mais évite d’en faire trop, la prochaine fois. Épique mais pas irréalisable, ok !?»
La brume épaisse et dangereuse des Plaines du Grand Chut absorba les deux silhouettes. Un rire gras fit hérisser les poils sur la nuque de Polpol et de son établissement.
THE END or NOT