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Beuker-Land (Part II)

Le Grand Froid

La nourriture complètement gelée ainsi que les autres membres du groupe, ne donnait guère d’espoir à Zargol et Dam’Sangrine. Un cycle depuis l’atterrissage en catastrophe dans un monde encore plus catastrophique et ils n’avaient avancés que de…en fait ils n’en savaient rien. Perdus dans le Grand Froid, sans vivres, sans repères. Mais quelle idée à la con ! Ils avançaient pour sur-survivre droit devant ou en cercle, ils s’en foutaient puisque la mort les rattraperait inexorablement.

Sur la plaine fouettée par plusieurs vents glacials, se disputant la moindre source de chaleurs, apparurent plusieurs points clignotant au loin. Zargol tenait Sangrine par la main, pour ne pas la perdre dans la tourmente enneigée. Ils ressemblaient à un dangereux couple de Makak géant emmitouflés dans leurs armures de peaux.

Ils accélérèrent leurs pas en direction des signaux lumineux. Porté comme un message d’horreur par l’un des vents, un rugissement se fit entendre au loin ou tout proche, selon l’envie de mourir vite ou pas.

La créature qui avait fait entendre son appétit n’était, par chance pas aussi proche que leur disait le vent. Ce qui bien sur arrangeait Zargol et sa compagne. Ils arrivèrent transis de froid, gelés jusqu’aux os, devant une écoutille enchâssée dans le sol gelé. Quatre gros piquets métalliques, haut de plusieurs mètres, irradiaient d’une lumière crue et artificielle. Zargol luttant contre les coups violents que lui assénaient les vents tout aussi violents, tirait sur la manivelle de l’accès au BEUKER, avec beaucoup plus de facilité qu’il ne s’y attendait.

Le silence intérieur faisait siffler les oreilles de Zargol ou était ce, encore les vents hurlants qui lui déchiraient les tympans ? Sangrine devait se trouver proche de lui, car il entendait les claquements de sa mâchoire, dans le noir le plus total.

La température était plus douce à l’intérieur, abrité du souffle mortel des vents, porteurs des paroles des Anciens.

Un craquement suivit d’une intense lumière rouge éclatèrent ses rétines, complétant aussitôt le malaise que ressentait Zargol dans ce lieu sacré. Son amie tenait devant elle un bâton de lumière qui leur permit d’apercevoir la salle vide de taille modeste au bas de l’échelle qu’ils venaient de descendre. Sur trois des côtés, les murs vides et lisses ne leurs donnaient aucunes possibilités. En revanche, le quatrième portait les traces délavées de bleu, de blanc et de rouge au-dessus d’une grande porte ronde et métallique. Elle était entrouverte. Dam’Sangrine tenant au-dessus de sa tête emmitouflée, leur seule source de visibilité, tira sur le bras de Zargol, l’entrainant en direction de la porte.

Ils débouchèrent sur un tunnel de béton, large comme trois Néléphan de front, le plafond n’était pas visible, laissant imaginer sa hauteur dans les ténèbres, à peine éclairées par le bâton rouge. Le long couloir obscur s’enfonçait, en une pente douce, dans les entrailles de Ter’. Zargol senti le grelottement de la peur, se rajouter à celui du froid. Ils venaient de rentrer dans le lieu sacré, là où tout avait commencé. Darhn parlait peu, vraiment peu, mais toujours direct, comme un coup de poing. Quelques pintes de tout liquide euphorisant laissaient parfois, échapper quelques informations sur ses origines. Au cours des années Zargol avait, ainsi obtenu de son héros, quelques birbes l’amenant aujourd’hui, en compagnie de Sangrine, vieille amie et autre Y’umain toléré par le Géant, dans « Le Sanctuaire »

Il avançait lentement, en silence, par crainte et surtout avec le respect du pèlerin. Sangrine était juste à côté de lui, découpée par la lumière rouge, lui donnant un air effrayant. Un bruit sec comme un claquement, venant de derrière, fit sursauter Zargol et sa compagne. Des cliquètements et clapotements lointains, étaient les seuls bruits perceptibles, donnant des idées angoissantes aux deux Y’umain. Protégés des ombres, par un cercle de lumière rouge éphémère. Ils continuèrent d’avancés dans le couloir sans aucune ouverture visible, sur une bonne centaine de brasses. Aucun débris n’encombrait l’endroit, une propreté troublante.

L’utilisation d’un autre bâton de lumière permis au bout du couloir, d’apercevoir une autre porte métallique. Circulaire, haute de plusieurs mètres, sa surface était peinte, à la peinture blanche, des mots suivant : « BEUKER-LAND, passe, où trépasse… »

 La température était devenue douce, les couches de fourrures devenaient de plus en plus insupportables. Dam’Sangrine avait déjà commencé un délestage vestimentaire, mais garda une veste en peau de Gro’Dogs, car le froid était toujours aussi mordant. Allégé et plus mobile, Zargol pris des mains de Sangrine, le bâton lumineux et s’approcha de la porte. En posant sa main sur celle-ci, il ressenti la légère chaleur qui en émanait.

Le cercle de lumière n’éclairant la zone que sur quelques mètres, rendait la situation vraiment flippante, pensa Zargol. Il tourna la tête vers son amie proche de lui, elle grelottait soit de froid, soit de peur. Pour la rassuré, Zargol pris sa main et murmura un truc du genre :

« Détends-toi, ça va aller … »

La seule réponse qu’il reçut, fut un :

« DÉTENDS- TOI …a va aller…. Détends-toi …va ALLLLLEEEE…

VA ALLLLLEEE…. »

Rebondissant contre les murs de béton, s’enfonçant dans les ténèbres environnantes. Suivit de peu, par l’explosion de lumière blanche qui illumina brusquement le couloir de béton gris.

Zargol et Dam’Sangrine sursautèrent de plus belle, lorsqu’un claquement métallique, déverrouilla la porte devant eux. Un chuintement retenti, libérant le passage, comme une invitation vers l’intérieur du sanctuaire.

Une chaleur revigorante accueillie Zargol et Sangrine, dans une pièce étroite en comparaison de l’énorme tunnel qu’ils avaient arpenté pour arriver ici. Debout devant eux, au centre de la pièce, se tenait une gamine en blouse blanche, arborant un sourire radieux. Agée de quelques cycles, tout au plus une quinzaine, elle ne semblait aucunement apeurée ou menaçante. Les cheveux noirs et longs étaient attachés en chignon. Ses yeux noirs pétillaient de malice en détaillant les deux Survivants. Un silence gênant, n’attendait que d’être troublé par l’un des trois protagonistes. Zargol s’avança de quelques pas et ouvrit la bouche pour demander…

« Heu … Salut, heu …Je su… Nous sommes… »

« Je sais qui vous êtes M’sieur Zargol, et vous aussi, Dam’Sangrine…. Mon nom à moi est Ophélie. Suivez-moi, je vous prie ? »

La stupeur et l’incompréhension marquaient les visages de Zargol et Sangrine. Tous deux vêtus de récupération, de peaux de bêtes, couvert de crasse. Ils faisaient taches dans cet endroit immaculé. Et pourtant, ils suivirent la jeune Fem, qui appliqua sa main sur le mur derrière elle, une porte jusque-là invisible, s’ouvrit sur un autre couloir éclairé.

Milles questions se bousculaient dans les têtes d’ahuris qu’étaient Zargol et son amie « Celle qui savait tout, m’enfin presque tout… »

Ils trottaient derrière leur guide, ne comprenant pas grand-chose à ce qu’il se passait, n’osant rompre le silence par une cacophonie verbale, tranchant avec la quiétude du lieu. Un doux ronronnement environnant, accompagnait le bruit de leurs bottes fourrées, sur un sol où semblait glisser en silence la petite Ophélie. Zargol en connaisseur de gueuzes, se trouvait bien merdique, devant cette beauté juvénile. Il était troublé non pas comme un vulgaire mercenaire devant une gourgandine, mais plutôt comme un amateur de jolies fresques, n’ayant pas forcément envie de peindre. Belle mais irréelle, voilà ce à quoi pensait Dam’Sangrine.

Le couloir emprunté comportait de nombreuses portes donnant chacune vers d’autres lieux mystérieux, où s’égarait l’imagination de Zargol. La lumière tamisée était reposante. Le trio arriva devant une porte, aussi neutre que le reste de l’environnement.

Zargol et Dam’Sangrine se regardèrent puis regardèrent la salle pleine de longues rangées de plantes à Canah poussant sous des lampes. Dès l’entrée, la jeune Ophélie tourna sur la droite et indiqua aux deux personnages abasourdit, de la suivre vers une porte ouverte.

Dam’Sangrine, excitée comme une petite Bouzgnard devant un repas chaud, demanda d’une voix tremblante :

« Heu, vous faite pousser des plants de Canah ? Mais pourquoi ? Où sommes-nous ? »

Zargol enchaîna aussitôt :

« Oui, ou sommes-nous exactement ? Connaissez-vous Darhn ? C’est quoi cet endroit ? »

Ophélie, tourna un regard malicieux et répondit d’une voix douce :

« Je ne peux vous répondre à vos questions. Entrez, je vous en prie »

Elle disparue dans la pièce précédemment indiquée. Zargol accéléra le pas, il tirait sur la manche de son amie, plantée devant une énorme tête. Ils trottèrent à la suite de la mystérieuse créature d’un autre temps. Débouchant dans une pièce de taille moyenne au centre de laquelle se trouvait une table de bois, datant d’il y a fort longtemps, ils restèrent plantés sur place. Les murs étaient couverts de dizaine de petites fresques, peintes sur de petits cadres de toiles. Malgré une cheminée de marbre, qui trônait au fond de la pièce, Zargol ressentit un froid étrange, caresser sa nuque. La table regorgeait de victuailles inconnues par les deux Survivants. Des viandes, des trucs verts ou oranges, des tartes mystères et nombreuses boissons alcoolisées semblaient, n’attendre que leurs panses.

Ophélie sourie et, d’un geste de la main, les invita à s’assoir. Elle fit demi-tour et disparue dans un silence flippant.

La faim tiraillait par le bras, la prudence de Zargol. Il frissonna de nouveau, et se posa près de Sangrine, qui dévorait à pleine bouche, le contenu de plusieurs plats appétissants. Comblant à outrance son estomac, Zargol demanda sur un ton somnolant, à sa compagne :

« Alors, on est où d’après toi ? »

Le visage couvert de graisse et la bouche débordante de nourriture, Dam’Sangrine clignait des yeux. Elle cessa de mâcher, regarda d’un air fatigué, son ami et dans un bâillement répondit :

« Fait frais, non ? Je ferais bien une petite siest… »

Elle s’effondra, tête la première sur la table, Zargol avait froid et sommeil.

La première chose qu’aperçu Zargol en ouvrant les yeux, fut le plafond rocheux de ce qui ressemblait, à une obscure grotte. Les vents glacés hurlaient directement dans son cerveau. Il eut du mal à se redresser, coincé dans les nombreuses couches de fourrures de Gro’Dogs. La faible chaleur d’un feu, désengourdissait légèrement son esprit. Le ronflement des flammes se mélangeait avec celui, proche et rassurant, de Dam’Sangrine.

Zargol sursauta et poussa un cri de terreur, lorsqu’il aperçut la lourde silhouette velue, assise de l’autre cote du feu. Il recula vers le fond de la caverne, cherchant de quoi défendre chèrement sa vie et celle de sa meilleure amie, qui dormait entre lui et la créature gigantesque. Il lâcha un pet, un soupir de soulagement et un râle de colère en direction du Géant :

« Tu fais chier, Darhn ! Merde, c’est vrai quoi. Tu me fais le coup à chaque fois »

Le rire gras de son Géant d’ami, fut la seule réponse que Zargol obtint. La voix encombrée et ensommeillée de Dam’Sangrine interrompit cet instant de retrouvaille :

« S’lut Maître Darhn, Hmm ! Comment ça se fait que l’on se retrouve ici, alors que … »

Vêtu d’une magnifique fourrure blanche, qui le fessait ressembler, au plus gigantesque des Makak, Darhn scrutait de son regard de jais, ses deux seuls amis. Il jeta une pierre noire dans le feu, et répondit :

« J’ai entendu dire que deux idiots étaient en route pour le Grand Froid. Un grand bonhomme et une petite excentrique »

« Hé ! » Lança Sangrine.

Darhn étira son grand corps, alluma son cigare et dit :

« Je me suis douté qu’il s’agissait de vous. Zargol est trop curieux et toi, M’dam Sangrine, tu es « Celle qui veux tout savoir » Alors, je me suis mis en route »

« Mais ? Mais qu’est-ce qu’on … Comment, c’est possible ? On était … Et toi, tu es ? » Demanda un Zargol complètement perdu.

« Vous avez été chanceux. Vous n’étiez pas préparés au Grand Froid. Je vous ai trouvé à temps. Blotti l’un contre l’autre, inconscient, attendant la mort » grommela Darhn. S’enroulant dans une tonne de peaux de bêtes, il continua aussitôt :

« Victimes d’hallucinations. Encore quelques heures et je retrouvais deux belles statues de glace. Bon, dormez maintenant. Demain nous avons un long voyage à faire »

Au milieu, du Grand Rien Glacé, d’une des zones les plus dangereuses, le Grand Froid. Au fond d’une caverne, transformée pour l’occasion, en refuge providentiel. Zargol et Dam’Sangrine échangèrent un regard pleins d’incompréhensions. Avaient-ils rêvés ? Tout n’était qu’un fantasme mortel, entraînant leurs corps et leurs esprits vers une mort douce mais inéluctables ? Leurs esprits sombrèrent tardivement dans un sommeil tourmenté.

Guidés par le meilleur des Survivants, Zargol et Dam’Sangrine, étaient installés confortablement sur le tas de coussins de la remorque. Les nombreux cycles passés sur le chemin du retour, vers une région plus hospitalière si tant c’est possible, avaient forgés une inflexible loyauté, déjà grande, envers leur sauveur.

Darhn le Géant. Leurs héros, bien aimé.

Zargol pensa que s’il y avait bien une chose que ces P’tains d’Anciens avaient fait de bien, était l’existence de Darhn.

L’énorme Bamboo ronronnait sur le dos. Dam’Sangrine, qui avait retrouvé son nuage euphorisant, sortit une grosse tête de Canah, des plis de son vêtement. Zargol repensa, un bref instant, à son amie dans la salle de pousse, qu’il avait vu en rêve ….

Fin où presque…