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La lune rouge

La Bête, deuxième oraison

Deuxième Oraison...

MARSEILLE

29/02/2028

 – 9h00, la tasse de café était froide depuis un moment déjà. Le cendrier avait déversé une grosse partie de son contenu sur le bureau. Le ciel nuageux du bureau s’était changé en brouillard odorant. Au travers de la porte, l’on pouvait entendre, que la vie d’un commissariat de quartier commençait tôt, bien plus tôt que dans les chaumières aux habitants sereinement endormis. Serling maudit les nuits blanches, il rejeta le contre rendu de l’autopsie du veilleur de nuit sur la pile. Comme pour les autres crimes, les corps avaient été déchiquetés, démembrés. À chaque fois, il manquait un organe. Cette fois-ci, on avait arraché et emporté les parties génitales de Christophe Paréssi , la douzième et dernière victime en date.. Aucune piste sérieuse en quatre ans et une dizaine de cadavres, monstrueusement mutilés. Rien, même résultat dans les autres pays où « le monstre » avait sévit. 

Il attrapa le cadre posé à côté de la machine à écrire, il sourit tendrement devant la photo de sa chère épouse, Émilie et de son fils Quentin pendant leurs vacances en Ardèche.

L’inspecteur en chef John Serling ressemblait à un ours, deux mètres de haut, large comme un buffet campagnard. A 32 ans, il était heureux.

Né aux États-Unis d’un père Américain et d’une mère Marseillaise. Il avait grandi au rythme des histoires policières que lui racontait son père, inspecteur dans le Bronx. Aussi souvent que possible, le petit Serling imaginait les futures aventures que lui raconterait son héros de père. John n’avait pas encore 10 ans quand une simple bagarre entre voisins, avait plombée à la chevrotine, le centre de la poitrine du paternel, explosant au passage la santé mentale de sa mère. A 10 ans, il se retrouva donc à gérer la dépression et autres effets secondaires de sa mère. L’enquête sur l’origine du coup de feu fatal piétinant allègrement, motiva le jeune garçon à suivre les traces de son père, il s’inscrit dès que possible à l’école de police. John n’avait pas le physique de son esprit, il ressemblait à un joueur de football américain et était doté d’un QI hors normes, ce qui lui permit de finir major de sa promo. A 21 ans, il embarque mère et bagages pour le pays de ses ancêtres, la France.

Deux ans plus tard, John obtint son diplôme d’officier dans la police judiciaire française. Les trois années qui suivirent, il monta les grades sans que son pays de naissance ne soit un obstacle. Le grade d’inspecteur en chef avait été acquis grâce aux résultats excellents obtenus au cours des enquêtes qu’il avait mené. Il venait de rencontrer Émilie et son nouveau poste au service des homicides à caractères violent n’avait jamais entravé son bonheur. Puis il y avait tout juste quatre ans, Quentin déboula dans leurs vies mettant la cerise sur le gâteau de l’extase.

Pourtant au même moment, il y avait tout juste quatre ans, la première victime, du moins les rares morceaux retrouvés sur la plage de l’Estaque, avait dégoûté à vie, les deux braves pêcheurs qui se préparaient à leur traditionnelle pêche lunaire. Les restes du corps de Sophie Merez étaient éparpillés sur une centaine de mètres et son sang tachait le sable tout autour. Beaucoup de policiers avaient vomi en arrivant sur les lieux, mais John, malgré l’horreur, gardait son sang froid. Il ne voyait que le visage angélique de son fils né deux jours plus tôt, ce qui lui permit de prendre du recul.

MARSEILLE

01/03/2026

Isabelle posa son tube de rouge à lèvres sur le bord du lavabo. Les gestes routiniers placèrent le Rimmel dans sa main gauche. Elle se pencha en avant, au plus proche du miroir, ferma un œil , puis l’autre, les deux traits noirs habilement dessinés mirent fin à la séance de maquillage. Elle virevolte dans un nuage de parfums bon marché. Un sourire échangé avec son reflet, Isabelle coupa la lumière. Un coup d’œil à sa montre lui indique qu’il ne lui reste guère de temps avant l’arrivée de son cavalier. L’image de Mourad habillé comme le con’ de Lu, la fit éclater de rire. Voilà, elle était prête. Mourad avait fait un tel mystère pour leur un an. Elle n’était pas cruche. Il allait lui faire sa demande et elle feindrait la surprise, même si elle attendait depuis longtemps.

-Bon, k’es tu fou mec ? S’interrogea Isabelle.

Dix minutes de retard, ce n’était pas le genre de Mourad ? Isabelle se précipita vers la fenêtre de la cuisine et plongea son regard dans l’obscurité de la rue. Il lui fallut quelques minutes pour reconnaître la bagnole de son homme, la petite Twingo d’occaz. Elle sourit bêtement, il était là. Son téléphone jaillit instantanément et ses doigts manucurés, composèrent le numéro de Mourad. Un fugace mouvement secoua la Bat’momo, comme elle aimait le charrier. Isabelle fronça les sourcils, voyant de sa fenêtre, les clignotements du téléphone posé sur le tableau de bord de la bagnole, clignotements synchronisés avec les sonneries restées sans réponse.

Isabelle poussa un râle de dépit, referme la fenêtre, caresse le chat, éteint les lumières, verrouille la porte de son appartement, dévale les trois étages, surgit sur la “ Place du souvenir de la rue d’Aubagne 2018” et fonce droit sur la voiture. Tout ça en moins de trois minutes…

-Momo !.? Mon cœur ? K’ess tu fais ? Tu réponds pas…

Dans l’obscurité de l’endroit, Isabelle ne peut voir l’intérieur de la voiture. La place est vide et la nuit silencieuse. Un frisson désagréable descend de sa nuque jusqu’au bas des reins. Quelque chose lui fait stopper son geste de la main, doigts effleurant la poignée. Elle ne discerne rien dans l’habitacle, aucun mouvement, ni de Mourad déverrouillant la portière ni…

L’unique nuage traînant dans le ciel d’été, se déplaçant au gré des vents, laissa filtrer les rayons lunaire, dévoilant le voile sanguinolent qui couvrait le pare-brise et tout l’intérieur de la Bat’momo…. Isabelle ne mis qu’une fraction de secondes pour comprendre que c’était bien la tête de son amour qui reposait sur le tableau de bord.

Le long hurlement d’effroi rebondi dans toute la rue, pour finir par éclater en apothéose au-dessus de la ville endormie….