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I’got the power

Guerre totale

Enfin seul !

Un soupir de soulagement accompagna le mouvement d’air occasionné par la porte qui claquait dans le dos de l’Empereur. L’entrée dans son antre mit un terme à l’angoisse qui lui tenaillait l’estomac depuis le matin. C’était une petite pièce, mal arrangée, mais c’était son havre de paix. Le seul endroit où rien ne pouvait l’arrêter, où les turpitudes extérieures n’avaient aucune importance.

Il prit place devant son tableau de bord, s’affalant sur son « trône », là où il dirigeait d’une poigne de fer son empire intergalactique. Lui, Nivek 1er, Empereur tout-puissant de l’Empire Intergalactique de Bootleg, avait d’autres chats à débusquer.

— Merde, pensa-t-il. J’ai toute une populace à satisfaire, des rebelles à combattre. Merde, ils font chier…

Il rageait encore en entrant ses codes secrets sur l’écran de connexion. L’apparition de la carte tactique, où se déplaçaient ses flottes de guerre, le calma instantanément.

Son plan machiavélique fonctionnait : grâce à ses manœuvres diplomatiques et militaires, il allait mettre fin aux attaques rebelles et ainsi imposer son hégémonie sur la galaxie. Les autres n’avaient qu’à bien se tenir. Après tout, il avait mérité son trône à la force de ses manigances, vainquant un à un tous ses adversaires. Un travail de longue haleine pour prendre le pouvoir, deux années à gravir les échelons. Et rien ne l’empêcherait d’atteindre son but. Rien, sauf que…

— Faut faire ci, aller là… Tous des cons. Quelle journée de merde, grogna-t-il en repensant au déroulé de la journée, qui avait été longue, trop longue à son goût.

Il ne supportait plus la compagnie des autres, n’aspirant qu’à la paix, enfin… à la guerre, selon son plan. Tous les imbéciles de son entourage attendaient beaucoup trop de choses de lui et ne voyaient pas le danger fondre sur son empire. Son crétin de père ne regardait pas plus loin que sous les jupes de sa perceptrice. Son débile de frère ne pensait qu’à sculpter son corps, et sa sœur idiote faisait courir toute une foule de c’rétendants après une promesse de virginité hypothétique. Mais la pire, au-delà des autres abrutis de son univers, était sa génitrice. Elle avait le chic pour lui pourrir la vie, et ce jour-là, tout commença de bonne heure lorsque la Reine-Mère tyrannique déboula dans la chambre impériale, mettant un terme à ses rêves de victoires.

Comme d’habitude, les charges matinales furent rapidement expédiées : le bain, les doléances familiales, le petit-déjeuner, puis le départ pour les tâches quotidiennes et obligatoires. Une corvée dont l’Empereur devait s’acquitter s’il voulait obtenir son moment privilégié et mettre fin aux rebelles. Toute la journée, il avait écouté, sans vraiment les entendre, toute une tripotée d’absurdes guignols décidant pour lui, sans lui demander son avis. Il n’aspirait qu’au retour dans son fief et à reprendre le contrôle de l’univers.

Assis devant son centre de contrôle, il piocha dans les restes de son repas de la veille un morceau de volaille froide et but une gorgée de jus de fruits tiède. Cela faisait maintenant deux heures qu’il donnait ses directives et que ses officiers exécutaient ses ordres, ainsi que les populations adverses. Le Conglomérat de la Silvemoon, sorte de limaces de l’espace, n’avait pas vu venir la trahison qu’il avait mise sur pied depuis au moins un an. Il avait, sous un prétexte bidon, demandé l’autorisation de faire entrer ses flottes sur leur territoire. Grâce à cette alliance, il avait éradiqué les autres empires et autres royaumes. Maintenant venait le tour des limaces de l’espace. Ils avaient accepté sa stratégie contre quelques crédits, ce qui avait précipité leur perte. Les cons, pensa l’Empereur Nivek. L’attaque fut brutale, sans pitié pour les planètes conquises. Bombardements orbitaux et purges systématiques des habitants accompagnaient l’avancement de ses troupes.

La victoire était proche pour l’Empire Intergalactique de Bootleg, il pouvait être fier de lui. Deux ans à comploter, à tricher et, enfin, atteindre le but ultime qu’il s’était donné. Son premier essai avait été un échec cuisant. Obligé de recommencer du début, regravir les échelons, vaincre et, pour cela, marcher sur la tête de ceux qui se trouvaient sur sa route, s’il le fallait. Le monde autour de lui en était le meilleur exemple.

L’Empereur Nivek 1er du nom était petit de taille, servant de défouloir à sa famille, mais il était doté d’une intelligence hors du commun. Il avait appris la fourberie, à défaut de la force brute. Et maintenant, il allait prouver au monde sa puissance incommensurable…

— Mouhahahahahah !!! Mouhaha… Hein ?

………….….¤………….…

L’écran de l’ordinateur s’éteignit brusquement, remplaçant l’espace intergalactique par le noir sans fond du grand vide de son esprit. Il ne réagit pas tout de suite lorsque la porte de la chambre s’ouvrit brusquement sur une mère furibonde et qu’une lumière aveuglante lui éclata les rétines. Énormément de temps passait après l’école sans que personne ne vienne l’emmerder. Pourquoi aujourd’hui, la victoire était-elle si proche…

Les cris du démon maternel, qui venait de détruire deux longues années de combats acharnés devant son ordinateur, n’arrivaient pas à traverser les méandres de son interrogation. Elle tenait encore à la main la prise électrique, synonyme d’extinction de masse pour son peuple. Il retira le casque vissé sur ses oreilles, qui couvrait une partie des mots que sa mère répétait en boucle :

— Kevin ! Encore devant ton jeu à la con. Tu as fait tes devoirs ? Tu as 8 ans, tu es encore un enfant, tu devrais jouer à des trucs de ton âge. Réponds-moi quand je te parle. Kevin, ton père et moi, on s’inquiète. Alors stop, il est 7 h, va te laver les mains, on passe à table dans 10 minutes. Et arrête avec tes jeux.

— Mais M’man…, grogna Kevin, Empereur de l’Empire Intergalactique de Bootleg, en se levant pour rejoindre le salon familial d’une petite banlieue insipide.

Game Over