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Sale Hope

Expiration

— SALOPE ! Tu n’es qu’une salope. Tu n’as pas le droit de me quitter, justement quand j’ai le plus besoin de toi.

La porte claqua brusquement derrière son départ précipité. L’auteur hurlait à s’en décoller les poumons :

— C’est ça, va te faire sauter par un autre ! Tu ne trouveras pas mieux que moi ! Je te laisse peu de temps avant que tu ne reviennes en rampant. Tu n’es qu’une PUTE ! Tu comprends ce que je te dis ? Grosse salope de merde…

La colère commençait à redescendre d’un cran. Crier avait fait du bien à l’auteur.

— C’est vrai, quoi ! Elle n’avait pas le droit de me faire ça… Cette put… Merde, fais chier !

Elle était partie depuis quelques jours et avait laissé, en plein désespoir, l’auteur confronté à son départ. Le temps passait et il n’arrivait plus à écrire une seule ligne intéressante. Le dépit remplaçait peu à peu l’amertume qui le rongeait de l’intérieur.

Au cinquième jour, il n’avait réussi à écrire qu’une lettre destinée à une quelconque administration. Même pour cet exercice fastidieux, l’auteur ne pondit qu’un texte insipide. Il repensa au départ précipité de sa compagne quotidienne et ragea de nouveau, pleurant sur son triste sort.

— C’est trop injuste… pensa-t-il, avant d’ajouter :
— Quelle groooosse SALOPE de putain de pute de sa mère à chier ! Fuck off !!!

L’auteur regrettait les jours heureux passés auprès de sa source. Il négligea son hygiène corporelle, tout comme l’état d’abandon de l’appart’ dans lequel il vivait, pour pleurer et rager contre l’insupportable cruauté de la situation.

— Tu m’entends, connasse ? Ne reviens pas me voir ou je t’éclate la gueule… Salope !

Au dixième jour de souffrance, l’auteur chercha à la retrouver. Il passa de nombreux coups de téléphone, alla dans les endroits où il était sûr de la revoir — les musées, les galeries d’art contents pour rien, les cafés d’artistes mélancoliques — mais nulle part il ne trouva la moindre trace de celle qu’il avait chassée comme un beau diable, à grands coups d’insultes et de cris injurieux.

Depuis quelques jours, il regrettait. Il n’avait d’autre espoir que le retour de cette salope qui l’avait lâché pour aller se frotter à un illustre inconnu.

— Pitié, reviens vers moi, je te pardonne. Je ne t’en veux pas…, dit-il au matin du vingtième jour d’absence insupportable.

Son état physique était moins à plaindre que l’état pitoyable dans lequel baignait son esprit, et chaque jour un peu plus, il se renfermait dans un mutisme schizophrène, parlant tout seul ou s’adressant aux autres fantômes qui le hantaient.

Le vingt-septième jour mit fin à son calvaire lorsque, devant sa porte, se tenait la responsable de son malheur. Elle souriait à pleines dents, comme si rien n’était advenu. Son retour le surprit et, malgré la colère sous-jacente, il la prit dans ses bras avec toute la joie retrouvée.

La porte se referma sur eux et, à travers le métal blindé, les plus curieux purent entendre ces quelques mots :

— Viens ici, ma petite Inspiration. Viens reprendre ta place auprès des autres. Rejoins la compagnie de ma Créativité et de mon pote le Second Degré. Ne me laisse plus tomber comme une vieille capote contenant le souvenir douloureux d’un génocide avorté. Retourne auprès de mes mots sans grand intérêt. Donne-leur un peu de toi, un peu d’inspiration, afin de former les textes inspirants que tu me dois…

L’auteur replongea dans ses écrits insipides et repensa, au fond de lui :

C’est quand même une grosse salope, l’Inspiration… non ?

 

Jamais fini…