Coups d’envoi…
Josh était un enfant gâté par ses parents. Ils étaient membres honorables du Conseil des Anciens, riches, très riches industriels de la Principauté japo-indonésienne. Influents, très influents. Ils lui avaient obtenu une place dans la loge gouvernementale. Assis à quelques mètres de lui se trouvait le Premier ministre Abdoullah Ben’ Chorba et sa cour de prétendants. Rien ne pouvait gâcher ce moment de bonheur. La loge était la seule à être équipée du dernier modèle d’Anti-Grav, tout juste sorti des usines de son père. Josh accepta le verre de Vegan-Champ que lui proposait Ida, sa jeune compagne de jeu, autre cadeau de son paternel. Le plancher transparent donnait aux privilégiés, confortablement installés, une vue plongeante sur l’action du match. Ida gloussa d’excitation d’être avec Josh, auprès du Premier ministre, de quelques stars du Holociné et d’autres inconnus dont elle ne connaissait pas le nom. Josh sourit à la naïveté de sa jeune amie. Elle n’avait que onze ans et semblait découvrir le monde à chaque instant.
Petit con prétentieux, Josh n’avait d’yeux que pour son héros, « Le Pacificator de Tambacounda », son joueur, cadeau de son père pour ses onze ans. Il adorait le voir virevolter dans les airs avec son nouveau Jet-pack ; il était agile pour un Voltigeur, évitant par deux fois une blessure grave ou une mort certaine lors de la dernière finale. Le Pacificator rapportait beaucoup d’argent à son jeune sponsor déjà outrageusement riche. Petit génie de douze ans, Josh avait créé un Jet-pack à consommation énergétique très faible. Les anciens modèles forçaient les Voltigeurs à recharger toutes les demi-heures, rendant possiblement mortel ce bref arrêt aux bornes de rechargement.
L’immense stade pouvait accueillir plusieurs milliers de spectateurs. Équipé de 600 Holocaméras filmant en permanence le terrain de deux kilomètres de long sur 900 mètres de large, il offrait un spectacle total. Les obstacles avaient été placés aléatoirement par le comité organisateur du Kill Painter. Les barrières à piques permettaient la défense, appelées « La Forêt » par les médias. Les mines électriques formaient, quant à elles, un danger non négligeable, assommant immédiatement tout joueur passant dans un rayon de trois mètres. Une aubaine pour les adversaires, plus enclins à achever un joueur immobile. Les racks d’armes disséminés un peu partout sur le terrain offraient aux joueurs tout un panel d’armes tranchantes, écrasantes, déchirantes, etc. Les 500 Holécrans retransmettaient les moindres gestes de chaque joueur, ne ratant aucune goutte du sang versé.
Venant d’entrer sur le terrain sous l’hystérie générale, les joueurs prirent place dans leur zone respective. Les commentateurs sportifs, surexcités et surpayés, hurlaient dans leurs micro-casques. Les noms et caractéristiques de chaque joueur furent ainsi répétés pour la énième fois sur tous les Holécrans du stade et dans chaque foyer à travers le monde. Les paris avaient commencé l’année dernière, bien avant le début des éliminatoires. Les « Gayndé’s » occupaient une partie de l’attention générale. L’Agence Monétaire Mondiale donnait favoris les champions du monde. Leurs challengers, les « Fossoyeurs de Cincinnati », n’obtenaient que peu de suffrages. La majeure partie des paris en faveur des « Fossoyeurs » venait de l’État des Amériques Réunifiées, mauvais perdant de la guerre de 2021.
Josh apprécia le palmarès du Marqueur de Cincinnati, le « Prince Elvis ». Il avait fait trois trépas et deux blessés graves lors d’un seul match, et avait survécu à la charge d’un « Bulldozer » des dangereux « Requins Cannibales » du Royaume Monégasque. La présentation des joueurs, suivie du passage officiel et de nombreux experts-en-tout-experts-en-rien ayant un mot à dire, dura de longues heures. Entrecoupée de Holopubs débiles, à grands coups de slogans idiots vantant les mérites de tel lait de soja ou de telle crème auto-régénératrice, la cérémonie avait commencé vers 14h et se termina à la nuit tombée.
Le match durerait 24 heures, pendant lesquelles la violence contenue servirait d’exutoire aux peuples de la Terre. L’hymne planétaire, chanté par la star C. Aznavourov, clôt définitivement les festivités et le coup de sifflet d’engagement retentit sous les hurlements des fans.
— C’est partiiiiiii ! Coup d’envoi de la finale du « Kiiiiiill Painterrrrrrr ! » hurlait le présentateur d’une chaîne quelconque dans son micro-casque, relayant ses hurlements hystériques dans les oreilles de son auditoire.
Josh se redressa de son sofa et chercha à travers le Plasto-verre le Pacificator, qui devait rejoindre sa zone d’envol. Ida commençait à chanceler après son troisième verre de Vegan-Champ. Elle se coucha près de Josh et s’endormit instantanément. Une chance pour elle.
La « Balle » atterrit dans les bras du monstrueux, de par sa taille, « Zimba le fougueux », qui aussitôt fit une feinte pour esquiver le vif « Général Custer » fonçant sur lui. L’attaquant fut surpris par la vivacité de son adversaire qui, d’un geste vif, propulsa la « Balle » en direction du Voltigeur « Le Pacificator ». Josh sauta sur ses pieds. Les autres occupants de la loge avaient le regard collé aux Holécrans, le souffle coupé. Le coup était culotté mais bien exécuté, le premier point pouvait revenir aux « Gayndé’s ».
Le Voltigeur de l’équipe championne poussa son Jet-pack à pleine puissance vers l’en-but adverse. La distance qui le séparait de la deuxième zone se réduisait rapidement. Du coin de l’œil, il repéra un des « Intercepteurs » surgir de derrière une caisse d’obstacle. Le Pacificator exécuta une roulade aérienne afin d’éviter la charge de l’ « Ogre de Wysteria ». Le Marqueur des « Gayndé’s » passa devant lui et bouscula le pauvre Ogre, interrompant son saut dans le fracas d’une barricade.
Josh pensait aux primes qu’il allait toucher si « Le Pacificator » accordait le premier point à son équipe. Il était satisfait par les prouesses de son poulain, tout comme le Premier ministre qui lui adressa d’un geste de la tête son admiration. L’entraînement de son joueur dans sa propriété lunaire en basse gravité avait affiné l’agilité et la rapidité du joueur. Il volait, zigzaguant entre les obstacles, évitant les attaques des intercepteurs. La dernière partie du parcours était la plus difficile : le royaume des Chevaliers-Plast, armés de fusils à billes, redoutables murs de défense. Sous le commandement de l’un des plus vicieux des Chevaliers-Plast, l’illustre « Crazy Horse », qui dans son armure peinte en rouge sang était la hantise des joueurs de Kill Painter. Le Pacificator de l’Union Afro-européenne piqua vers le sol à pleine vitesse. Il avait réussi une magnifique looping arrière et avait dépassé les dernières défenses sous les sifflements des billes d’acier tirées par les Chevaliers-Plast pour lui faire lâcher la Balle. Dans son casque, il jubilait, n’ayant comme objectif que la ligne d’en-but adverse. Son jeune propriétaire serait fier de lui.
— Plus que quelques mètres, et le premier point de la grande finale ! Mes chers citoyens du monde, nous vivons là un très grand moment… Historique, même… Du jamais vu auparavant… Un joueur hors pair, qui doit faire le bonheur de son jeune propriétaire. Le digne héritier de l’Honorable Hirohito Amada… Nous sommes en direct…
Les cacophonies médiatiques s’en donnaient à cœur joie, hurlant dans leurs micro-casques le maximum d’informations dans un minimum de temps. Tous les regards étaient tournés vers les Holécrans, eux-mêmes braqués sur le vol parfaitement exécuté par le « Pacificator de Tambacounda » qui allait donner l’avantage aux champions en titre.
Soudain, venant d’on ne sait où, une volée de micro-missiles A.F.C. (à fusion contrôlée) surgit devant le jouet virevoltant qui appartenait à Josh. Un silence incompréhensible, dans un stade en surchauffe fanatique, se fit instantanément lorsque le « Pacificator de Tambacounda » ainsi qu’une partie du terrain furent soufflés dans un grand éclair de lumière.
Suite en cours d’écriture…